Paru le: 10-05-2024
Editeur: Les éditions Ovadia
Isbn: 978-2-36392-573-2
Ean: 9782363925732
Prix: 20 €
Caractéristiques:
193 pages
Genre: Essai
Thème: Histoire
Thèmes associés:
Après la Shoah
Histoire, mémoire, éthique
Le souci de la transmission pédagogique de l’histoire de la Shoah reflète une certaine forme d’« optimisme ».
Agrégé et docteur en philosophie de l’université Paris-Sorbonne, il enseigne en classes préparatoires à l’internat Jean Zay (Paris). La question de la singularité est au centre de ses travaux.
À inscrire l’histoire et la mémoire de la Shoah en l’horizon limité de la citoyenneté et d’une éducation qui, croit-on, devrait – à partir d’elles – favoriser l’esprit de tolérance, on risque fort d’ignorer tout un pan de l’expérience humaine indissociable de cet événement sans précédent, au regard duquel la représentation paraît à jamais « en souffrance ». C’est une résistance singulière, en effet, qu’il oppose à la représentation historiographique ; aussi bien, à la problématique morale traditionnelle : elle appartient à l’histoire même de la catastrophe, en appelle à la mémoire, impose de sauvegarder le noyau absolument concret des faits – ce qui met aux prises chaque homme avec son humanité. Si nous sommes des débiteurs insolvables du passé, comme tout acte de mémoire nous force à en faire l’aveu, à plus forte raison le sommes-nous envers ce passé, qui oblige la recherche à longer « la part intransmissible d’une expérience extrême » (Ricœur) et lui assigne la tâche de faire que ce qui a été ne puisse cesser d’avoir été. Qu’en est-il, dès lors, après la Shoah, des conditions de la réflexion éthique ? Ne sont-elles pas comme autrement les mêmes ? En sorte que la Shoah devrait devenir, selon le mot de Kertésh, « une part de notre vie éthique, de notre culture éthique ».
« Philosopher après Auschwitz », « penser Auschwitz », « la philosophie devant la Shoah » : aussi légitimes soient-elles, ces formules ont quelque chose d’inadéquat ; tout se passe pourtant comme si leur inadéquation elle-même était de rigueur, nécessaire parce que la catastrophe historique dénommée « Shoah » paraît s’imposer à l’esprit toujours autrement qu’il ne peut la proposer à la réflexion et au discours. Après elle en effet il ne sied pas à la pensée de se prendre pour l’oiseau de Minerve. Pour se tenir devant elle il faudrait que la rationalité philosophique pût la réduire comme toute chose à un problème, et d’obstacle la convertir en objet. Or si la Shoah semble initier un temps de l’histoire, si elle apparaît comme un événement sans précédent, c’est que son objectivation théorique, à mesure et dans quelque champ qu’elle s’opère, oblige qui l’entreprend à en avouer un certain insuccès. Obstacle pour la pensée morale à proportion qu’elle l’est pour la représentation, la Shoah exige ainsi l’ouverture d’un champ philosophique sui generis.