CollectionsBeaux-arts & Co : aventures, scandales, magouilles, arnaques et coups tordus
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Paru le:  20-11-2024

Editeur:  Les éditions Ovadia

Isbn:  978-2-36392-624-1

Ean:  9782363926241

Prix:  20 €

Caractéristiques: 
228 pages

Genre:  Littérature

Thème:  Romansdegenre

Thèmes associés: 

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La ligue du bol fumant

Il n’y a pas de raison pour que les machines ne puissent
pas ressembler aux êtres vivants dans la mesure où elles
représentent des poches d’entropie décroissante dans un
contexte où l’entropie tend à s’accroître.

Vincent PUYMOYEN-NB

Vincent Puymoyen est né en 1970 à La Rochelle et enseigne actuellement à Brest. Avec la poésie, ses projets actuels concernent le roman noir et le réalisme magique. Dans le cycle romanesque des enquêtes de l’inspecteur Gonzo, initié par Le carré parfait, suivi du Manoir et de Constance ou le vertige, il met en scène un enquêteur guidé moins par la raison ou la méthode que par les limbes de son inconscient.

Les rumeurs de corruption de la police et même de certaines instances haut placées étaient remontées jusqu’au gouvernement. Une réponse originale avait été apportée, avec la proposition de nommer au poste de Premier ministre un humanoïde entièrement équipé par l’intelligence artificielle. C’était une grosse poupée parlante en latex qui ne quittait pas son maroquin, installée dans un grand fauteuil empire. On s’était efforcé de rendre ses gestes et ses attitudes les plus expressifs possibles, grâce à de nombreux capteurs placés sous la fine pellicule de fibres synthétiques parcourues d’électrodes qui lui tenait lieu de peau. Les yeux étaient mobiles et pouvaient emprunter des expressions aussi variées que les émoticônes de votre messagerie. Son nom était Bigbard. Un nom probablement inspiré par l’agent conversationnel Bard, développé par Google pour intégrer l’intelligence artificielle dans les requêtes sur le web. Certains mauvais plaisants l’avaient surnommé Bidard parce qu’il avait un gros cul (il est vrai que là se trouvaient stockées ses réserves énergétiques). L’ironie avait voulu que lesdits plaisants fussent très vite identifiés grâce au programme d’intelligence artificielle et fissent sans délai l’objet d’un signalement. Cette efficacité avait refroidi tout le monde. Bigbard levait parfois son gros cul de son fauteuil pour participer à un conseil des ministres. Il enregistrait tranquillement les conversations, et ne se départait jamais de son calme souverain.

Dans la salle rénovée du Quartz de Brest, avait lieu le premier congrès de psychanalyse maritime, une discipline originale fondée par Ezra Meyer.
Le professeur, en chemise blanche, parlait avec autorité devant une assemblée composée de représentants politiques et institutionnels. De loin, douché par les projecteurs, il ressemblait à un grand fantôme, agitant devant lui ses grandes mains d’orateur.
Au premier rang, Cynthia Bobard fouilla son sac à main. Le petit lapin de chiffon était bien là. C’était sa manie. Ça la rassurait toujours de sentir le doudou. Un petit moment de paradis. Sa drogue à elle.
On ne savait pas trop quelle pouvait être l’odeur de la peluche aux oreilles rognées, que la divisionnaire portait régulièrement à son nez. Une odeur de lait ? De chair d’enfant ? Ou d’autre chose.
On avait fini par s’habituer à la manie de Cynthia Bobard, elle ne prenait d’ailleurs plus aucune précaution quand elle faisait ce geste en public.
Les oreilles de la peluche étouffée de baisers avaient presque entièrement disparu, il ne restait qu’une petite boule informe, un chiffon de tendresse, humide et parfumé.